L’horizon est pure douceur, assis face aux montagnes, dans mon dos une pinède où siffle le vent, à travers une vapeur grise le soleil léche timidement la pelouse, des langues jaunes pâles éclairent une large jasse, une piemontaise et son veau se reposent près de moi. La forêt est partout, elle habille la courbe des Apennins, les hêtres en contrebas porte l’automnale parure, Azur et coton nuageux valsent dans les vents et la cime de basalte du Matta trône fièrement au royaume des cieux.
Je voudrais que cet instant dure l'éternité, que la vie autour de moi continue son cycle avec la même pesanteur , que mon corps s'enracine profondément à ce plateau de montagne, que mon regard perçoive enfin l’invisible et que mes belles pensées s'écoulent au creu du Monde.
Est-ce que cette vache et son petit, couleur caramel floqué de nuages, peuvent penser comme moi ou sont-ils déjà dans la confidence d’une réalité supérieure.
Quand je fixe leurs regards je sens qu’ils percent mes contours humains. Si seulement je savais parler leur silence.
Puis au loin un troupeau de marcheurs.
Et les voilà qu'ils défilent devant moi, façon grégaire, ça cause fort, ça contemple peu, tiens des vaches prenons les en photo, leurs bâtons de marche frappent le sol lourdement, l’impatience de passer à table se fait sentir et c’est à peine une attention ou un bonjour dans ma direction. Je suis dur je le sais bien, mais quand je baigne dans une solitude gourmande, je supporte mal le bruit des hommes qui ruminent en bataillon.
Que puis-je contre cela ? C'est pourtant ma nature qui s'exprime, la trajectoire en dent de scie de la vie en communauté me semble parfois bien plus douloureuse que la solitude bienheureuse. L'une n'empêche pas l'autre mais l'humain en mal de soi-même n'éprouve jamais la richesse du silence.
Être seul c’est cheminer vers sa propre poésie.
O4V
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