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Alta via dei monti liguri

Pour la seconde fois me voilà dans une bibliothèque italienne, à La Spezia, pour vous rapporter les mots qui me semblent juste pour exprimer l'Avventura. Hier j'ai terminé la première partie de cette traversée montagnarde, j'ai marché depuis les Alpes de Ligurie vers les Apennins toscans. Quels paysages somptueux, entre terre et mer et bien souvent le long des crêtes.


Je quitte enfin le Sud Est de la France, cette cote d'Azur pompeuse et bling bling où le paysage et les hommes semblent vivre à des années lumières les uns des autres. Depuis Menton je décide de prendre un train pour m'éviter une marche ennuyeuse de 2 heures sur un trottoir où la crème du tourisme méditerranéen se fouette le derrière dans un interminable bouchon de grosses berlines allemandes et italiennes.

Ventimiglia c'est desuite d'un autre registre, ça me cause desuite, avec les mains s'il vous plait, ça parle fort, ça klaxonne puis ça parla l'italianno qui casse desuite la monotonie de l'accent bourgeois de la cote d'azur. Je fais rapidement deux trois achats, une birra et je me lance desuite sur l’alta via. Le tracé remonte vers le Nord Est, direction les Alpes de Ligurie, je dois avouer que je n'ai absolument pas potassé ce trail et que je pars dans les montagnes un peu la fleur au fusil. Au bout de quelques heures de marche je perds ma trace et je débouche au fond d'une vallée, chouette un ruisseau bien approvisionné, je fais mon rituel bien être et nettoie mes affaires en prenant soin de ne pas polluer le cours d'eau, puis j'avance de nouveau sur ce sentier sauvage non balisé. J'arrive à Airolle, village pittoresque de la vallée du Roja où reigne une ambiance apaisante et populaire, je décide d'y passer la soirée, faire le plein de nourritures (ça tombe bien j'étais à sec), je m'offre une pizza ainsi qu'un verre de vin et je finis par aller dormir sur un banc le long de la route à 2 km au dessus du village.

Je me sens desuite à l'aise dans ces montagnes italiennes, les personnes que je croise, souvent des anciens, me causent comme si j'étais du cru, je n' y comprends pas grand chose mais qu'est ce que ça me change des ronchons français qui ne disent meme pas bonjour. Mais je déchante vite, il n'y a pas d'eau, pas de villages pour se réapprovisionner sur le tracé et il fait une chaleur terrible, j'apprendrais plus tard d'une bergère qui cause français qu' il n' a pas plu une goutte sur ce versant Est des Alpes, et puis cerises sur le bidule j'ai foncé tête bêche dans les montagnes sans recharger mon attirail (Telephone, batterie, APN,...) et je suis déjà dans le rouge ; j'avance un peu à l'aveugle durant plusieurs jours, fort heureusement chaques étapes de l'AV affichent un panneau de renseignements pour faire le point. Bref je me reprends et je décide de saisir l'occasion de recharger les batteries dans tout les cafés sur ma route, je me paye meme le luxe d'un menu de refuge au mont Saccarelle pour faire un plein plus conséquent. Tout cela va me servir de leçon pour la suite, fort heureusement la nourriture est moins chère ici mais c'est tout de meme un budget conséquent, je dois lever le pieds sur les extras, c'est assez difficile au départ de reduire si drastiquement ses habitudes alimentaires et surtout lorsqu'on est partisan du bien manger, mais je suis clairement en dessous des 8 euros par jour donc je peux garder l'esprit tranquille; mon projet de voyage s'inscrit dans une durée telle qu'il est difficile de se projeter précisément.

L'eau est donc un souci et je dois m'organiser, je porte donc plus de poids pour éviter la panne sèche, c'est vital, puis je fais le choix de descendre 1 à 2 fois par semaine en fond de vallée dans les villages pour me réapprovisionner en nourriture et voir deux trois têtes dans une ambiance campagnarde.

Je dors souvent à la belle étoile, les nuits sont douces, je ne croise quasi personne là-haut, je commence à aimer ça, cependant le moindre marcheur que je croise a le droit à mon plus beau sourire et je commence à prendre un bon accent italien pour saluer. Je sais tricoter deux trois phrases pour me faire comprendre, ceci dit il y a un language que je commence à causer plus facilement et c'est celui de la nature. Mes pieds trainent le matin mais dès que mon corps est rodé j'avale 2 à 3 étapes par jour, je grimpe plusieurs monts quotidien et qu'est ce que j'aime cet effort vers les sommets suivi bien souvent par une vue d'exception et des prairies suspendues, sanctuaires préservés des hommes. Chaque jour je croise des animaux sauvages, tantôt un daim en face à face qui virevolte aussitôt, de nombreux faucons défiant la force des vents, des biches vers les sommets, de solides sangliers solitaires ou bien des hordes bruyantes me réveillant la nuit, des chevreuils aux abois que je croise par surprise, des renards au cri d'épouvante, des chamois proches des nuages, des couleuvres, des vipères, d'innombrables lézards verts, airaignées, scarabés, papillons.... Je ne suis pas seul dans ces montagnes et tout ces compagnons me remplissent de joie. Parfois je peux entendre l'appel de la foret. La ligurie abrite de nombreux loups mais je n'ai pas eu la chance d'en croiser ou du moins de les entendre, je me demande si le fait de ne pas me laver de plusieurs jours pourrait aider pour qu'ils s'approchent plus près, mais je doute que cela aide vraiment.

Pour l'instant ils peuplent mes rêves et nourrissent le mystère qui rode au fond des bois.

Ces derniers temps je lis Jean de Raspail, Le royaume de Borée, ce roman a fait grandir en moi le désir de marcher vers des zones toujours plus reculées et sauvages.

Évidement j'ai conscience de l'organisation ainsi que de la préparation que cela implique, d'ailleurs en ce moment je me plonge dans les récits de marches extrêmes de Sarah Marquis et je peux donc commencer à prendre la mesure d'un tel engagement physique et mental. C' est exactement ce dont j' ai toujours rêvé et je vais m'en donner les moyens soyez en certain. Pour l'heure je continus mon apprentissage dans la traversée de l'Italie et je cherche à me fondre dans le décor, marcher dans l'harmonie et poser le regard d'un enfant. Je sais que j' ai encore tellement à apprendre pour ma survie, mais peu à peu je change de forme, mes pensées deviennent plus sauvages, mes sens plus vifs, le souffle plus précis, le poète s'installe plus profondément dans mon regard.

Je dors si souvent dehors que mon horloge biologique s'est totalement recalée sur la lumière naturelle, je me sens en forme, plus agile, mes réflexes sont meilleurs, l'inspiration frappe souvent à la porte, je respire plus lentement, mon gout et mon odorat s'affinent et je sens que mes muscles gagnent en souplesse.

La Ligurie va marquer mes esprits c'est certain, si propice à de longues marches en solitaire, pourtant je ne vois aucun autre marcheur, plus des VTT, souvent électriques, des cross, des 4x4.... Je suis d' ailleurs très étonné du fait que les motos puissent circuler dans ces zones de quiétude. La solitude c'est comme une partition de musique, cela se travaille, se répète régulièrement, et puis viens enfin le moment où l'on peut passer à l'étape suivante, faire vibrer les notes dans la grâce de l'instant. Il faut néanmoins que je garde les pieds sur Terre, du moins entretenir ma foi en l'Homme, les choses parfois sont si bien faites que quelques rencontres suffisent à nourrir cet espoir. Le simple fait d'échanger un sourire sincère, un bonjour, parfois un café et plus rarement l'hospitalité suffit amplement à soigner mon coeur.

Tiens d'ailleurs hier soir j'ai fêté l'arrivée avec une fameuse Pizza à la Spartana, chez Valter, où j'ai découvert les délicieuse farinatas à la farine de pois chiche et une équipe chaleureuse et bienveillante. J'ai été convié à dormir dans le resto et me servir le petit dej ce matin.

Ce genre de rencontre, d'hospitalité, de simplicité, pur bonheur, merci.


O4V



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