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L'existence quotidienne dans les Balkans

Comme vous devez vous en douter si vous suivez le fil de mes chroniques écrites, je suis actuellement dan une bibliothèque pour vous restituer une part de mon carnet de marche, je suis a Knin en Croatie, au pieds du Dinara Nature park, tout proche de la frontière de Bosnie, les Alpes dinariques seront le fil directeur de la suite de la marche en direction de l'hiver, plus supportable en Grèce. Cette aparté hors du texte tel qu'il est composait sur mon carnet est là pour resituer un peu le contexte. Tout d'abord excusez moi cette liberté d'absence de ponctuation, - parfois - , les claviers "žćš4qwertz" croates sont éprouvants pour ma tête, sans parler de ce temps devant l’écran. Bref c'est douloureux, j'envisage donc de vous partager mes textes par la voix, j'ai néanmoins besoin de temps pour mettre au propre certains textes se prêtant a la narration orale pour que la lecture soit fluide et immersive. Quoiqu'il en soit j’écris beaucoup et j'ai hâte de partager avec vous une première publication, cet hiver sera sûrement l'occasion de retranscrire une belle partie d'un peu plus de 100 pages d’émotions pures. J'ai toujours la possibilité d'acheter un clavier externe pour smartphone, mais en attendant d’être dans une ville assez grande pour tester cette éventualité je dois assumer le fait que je publierai moins de chroniques écrites et que le format audio ou vidéo sera privilégié. Je suis plus actif sur instagram mais je sais bien que certain d'entre vous ne l'utilise pas.


Revenons donc au fil de mes textes, a suivre dans ce post donc, quelques passages de mes écrits, dans la chronologie de l'aventure depuis la Slovénie jusqu' a aujourd'hui en Croatie. *J'ai les doigts gelés, un filet d'air glacial se fraie un passage entre les épicéas, les aulnes, les trembles, les hêtres et jusqu’à mon visage, mes joues roses et mon nez reniflant. Qu'est ce que c'est vivifiant de vivre les saisons dehors, ce début d'automne dans les montagnes slovènes est supportable, lorsqu'on n' est pas face au vent puissant qui galope dans les vallées. Après avoir du faire demi tour il y a 4 jours durant l'ascension du mont Mali Ozebnik, plus d'un mètre de neige glacée rendait la montée trop dangereuse en solo, j' ai pour ainsi dire ressenti un rappel a l'ordre de la montagne ; j'ai alors redescendu comme prévu la Soka valley depuis Bovek jusqu’à Tolmin. Un automne ensoleille idéal pour découvrir cette vallée incroyable, cette rivière sublime d'un vert émeraude, rivière puissante encadrée par les Alpes Juliennes, de nombreux villages authentiques intégrés avec merveille dans le paysage ou rien n'est laisse au hasard, une propreté exemplaire. Le Julianna trail que je suis sur cette portion de la Slovénie est un délice pour le cœur, le trace est relativement plat, l'esprit peut rêvasser sans sueur au contact d'une nature immense, berce par l’écho de la mélodie de l'eau dans ces massifs spectaculaires… Les forces de la nature qui œuvrent dans ce parc du Triglav sont divines, chaque vue du regard est un chef d’œuvre indicible, une toile d'un équilibre surnaturel. Marcher la Slovénie c'est se laisser envahir par l’humilité et le respect, face a une nature puissante, titanesque malgré un territoire national très modeste. Ici la communication se fait en anglais, j'ai bien tenter d'assimiler quelques mots courants mais le tourisme est un moteur essentiel du pays, la plupart des locaux parlent un excellent anglais. Le sang montagnard, slave laisse un frisson intimidant au premier abord et surtout avec les hommes, les femmes rayonnent et un seul de leur sourire efface la froideur des hommes… Dans l'air slovène flotte un romantisme tout naturel, ces espaces charges de poésie sont une invitation a célébrer a deux. Le calme, le silence, des gestes relâches et un temps qui semble suspendu sont les fondations inébranlables de cette forteresse d'Amour sauvage. J'ai pu gravir quelques sommets et poser mon regard depuis des cimes a plus de 2000 mètres, pénétrer dans le territoire aérien des chamois, contempler religieusement le mont Triglav, temple du minéral sacre et Mecque absolu de Slovénie, le bivouac est strictement interdit au sein du parc, aussi j'ai du enfreindre la loi pour pouvoir m'enfoncer plus profondément, et je sais a quel point la présence d'un homme la nuit dans ces contrées naturelles peut bouleverser la routine de la nature, j'ai donc fait de mon mieux pour être extrêmement discret [...].

*Souvent je pense a l'inspiration, vous savez ce souffle intérieur qui irradie de la tête au pieds, qui déclenche une étincelle joyeuse au fond du regard, qui guide nos pas, nos doigts, nos pensées, stimule l'imaginaire et bien plus encore… Et bien je me demande si l'inspiration n'est pas tout simplement la voie royale du bien vivre ; puisqu'il semblerait que c'est un chuchotement que nous offre la Nature dans un éclair de conscience, un écho pour nous rappeler qu'il y a bien plus que nous même, qu'en chacun l'esprit réside pour maintenir la vibration du commun extraordinaire. L'inspiration est partout, fluide de synchronicité entre les Hommes elle met en lumière toutes les formes de l'Amour, depuis l’immensément cosmique jusqu’à l'infiniment biologique elle sert la science en s'incarnant dans des équations scientifiques ; Puis dans une souplesse étendue elle couve chacun des mots de l'esprit en s'incarnant dans les lettres. Puis j' ose supposer que le hasard est une des formes primaires de l'inspiration, son esprit aventurier, un secret bien garde, loin des lois de la gravite et qui constitue une attraction fabuleuse pour lire l'onirisme du monde. Il y aura toujours des sommets inaccessibles, des questions sans réponses, des idées filantes, la vie n'est pas qu'un ballet perpétuel de chimie organique, il faut continuer a croire en la magie du possible car la beauté y occupe une place de choix [… ]. *Cette nature sauvage au quotidien m' éloigne des conventions sociales, je consacre si peu de temps a créer du lien avec les hommes, heureusement le hasard de cet équilibre important y remédie ; la solitude pèse parfois, mais mon tempérament tout ou rien oriente mes choix bien tranches , alors je repense a ces mois de confinement passes et je dois m'avouer que cette aventure solitaire délibérée est un luxe sans pareil. Actuellement le soir je m’évade en lisant Roger Frison Roche, il parle de la montagne et de ses guides avec une cadence poétique envoûtante, il nourrit mes rêves. Alors ces soirées ou le vent glace vient me mordre la peau je peux relativiser en pensant a tout ces guides chamonards, Pierre Servettaz, Georges a la Clarisse, Boule, Paul, Joseph le rouge et les autres, ces héros dévorés par l’adrénaline du royaume des cieux qui défient la verticalité avec l’aplomb de colosses funambules. Alors je me dis que ces récits sont un trait d'union assez givre entre mon quotidien déjà hors normes vers des rêves encore plus fous. Aurais je assez d'une vie pour arroser toutes ces graines au fond de moi, aurais je assez d’énergie pour être plusieurs versions de moi même tout en restant disponible auprès de la plus belle pour l'offrir au monde ? Le nombre d’étoiles qui brillent le soir lorsque je dors dehors est une source de l'infini du possible. Mais combien de temps vais je encore pouvoir vagabonder, avoir la force d'enfouir mes racines dans un sol chaque jour différent, faire face a cette puissance qui repousse ma vision du monde chaque jour, supporter ces vagues d’émotions toujours plus intenses tant je découvre la vrai valeur de l'instant présent. Au fond j'ai peur de cette brèche identitaire qui se repend en moi, une dissolution de cette identité que je pensais incarner jusqu’à présent, mais ai je une valeur individuelle, qu'est ce que je représente au dernier plan de ce décor changeant ? L' écriture m'aide tout particulièrement a garder le contact avec la forme la plus saine de mon ego. Puis bien souvent il faut savoir choisir, gravir ou bien longer sans dénivelé, l'isolement en montagne ou plus proche des hommes, facile ou difficile ? Léger ou lourd ? Solitaire ou accompagne ? La résolution d'un choix est bien souvent binaire au départ puis l'intellect humain tisse un tapis d'Orient, ne pas fixer son esprit aide a passer au travers de l'acte du choix mais cela demande un équilibre que je n' atteins que très rarement pour l'instant […]. *Dormir dehors est une image qui peut paraître fort déplaisante pour de nombreuses personnes, de suite viennent a l'esprit des images telles les animaux sauvages, les insectes plein de pattes, le froid, l’humidité, l'inconfort, les fous errants et j'en passe , évidemment tout cela est bien réel mais il suffit de retourner cette vision négative pour en faire une expérience et sortir de sa zone de confort. Savoir intervenir sur ces idées préconçues encrant notre imaginaire est un exercice de base pour élever sa conscience, sans ce peu d'effort notre esprit finit par se retrancher dans nos chairs et on perd le contact. Dormir dans la Nature effraie, dormir dans la rue écœure, et pourtant ce n'est pas si différent, la jungle urbaine nous offre bien souvent plus de scènes primitives qu'une foret et je dois avouer que lorsque je dors dans la rue mon sommeil est rarement réparateur, je ne me sens pas a ma place, il y a évidemment ce sentiment excitant de victoire sur les codes sociaux mais mon sommeil est effrite par les odeurs, les bruits, la lumière, la violence sous toutes ses formes[…] . *Ça y est j'ai franchis la frontière, la nuit tombe, il pleut, l’étendue sylvestre ne laisse aucune distinction entre ces deux pays, il y a néanmoins une barrière et deux panneaux qui se tournent le dos, drapeau slovène et drapeau croate, je suis donc en Croatie. Rien ne change en soit, pas même les saisons, L' Automne croate est peut être plus tardif… mais est ce que les ours revendiquent une nationalité ? A écouter les slovènes et les croates il y en a toujours plus chez l'un que chez l'autre. Depuis quelques jours la pluie est omniprésente, je suis trempe toute la journée et ma tente n'a pas le temps de sécher, du coup son étanchéité voit ses limites, le soir lorsque je me roule dans mon duvet et mon plaid en polaire et que je déguste un thé bien chaud c'est le confort ultime. Quoiqu'il en soit c'est la saison et rien ne sert de se plaindre puisque c'est tout naturel, puis cela donne une atmosphère intimiste a cette immense foret, je bivouac au milieu des bois et j'ose croire que les ours préfèrent rester au sec que de venir renifler ma tente; évidemment je fabule mais le bruit de la pluie sur la toile de tente couvre les bruits des plantigrades autour du bivouac, je peux donc détourner mon esprit de leur supposée présence. Je campe proche des habitations lorsque j'en trouve, proche des chemins forestiers et parfois je squatte les terrasses couvertes de maisons non occupées, tout est bon pour se rassurer et tenter d'avoir une nuit réparatrice. Ils sont plus d'un millier en Croatie tout comme en Slovénie, 2000 alors, ou bien ils ont la double nationalité, on y vient donc... De plus la théorie voudrait que j'accroche mes provisions alimentaires dans un arbre, que je délimite un triangle, trois points espaces d'environ 60m entre tente, nourriture perchée et spot pour cuisiner et manger , sous une pluie pareille je n'ai pas trouve le courage […].

*Pour l'instant j'en ai vu qu'un seul, en Slovénie, je traverse la grande foret vers le lac intermittent de Cernika, les panneaux attention aux ours ont enfin fait leur officielle apparition, puis a un moment un panneau plus artisanal, presque "toonesque" annonçant Teddy house, j' ai tout juste le temps de relever le 2nd degré que soudain cela devient plus réel, j'entends des branches a priori épaisses céder sous le poids d'un animal lourd qui semble prendre de la vitesse, je m’arrête, je sais que c'est l'ours, je suis tout excite, j'attends 30 sec mais silence net, je reprends la marche en regardant dans la direction opposée des bruits de branches puis soudain mon regard pivote instinctivement, la vibration et la cadence folle des pas de la bête vient résonner sous mes semelles, un quart de sec pour deviner la forme et atterrir après la puissance de ce qui vient de se dérouler sous mes yeux. A partir de cet instant je comprends clairement ce que signifie le danger d' un animal prédateur dominant la chaîne alimentaire et d' être dans son territoire naturel de liberté. Ma méfiance pour les ours devient réelle et chaque fois que la nuit tombe durant mes journée de marche et que je n'ai toujours pas trouve un endroit sécurisant alors mes sens présentent leur présence au fond des bois […].

*Ce soir je dors dans un refuge, a chaque fois c'est avec une joie d'enfant que je découvre ces lieux de résidences éphémères, après des journées de marches engagées c'est un cadeau qui n'a pas de prix. C'est une cabane en bois spacieuse, de plein pieds, enfouie dans un bloc karstique blanc, des volets peints en rouge, des fenêtres donnant sur les feuillages d'automne et d'immenses rochers blanchis, le contraste est un spectacle saisissant. Nous sommes a plus de 1200 m d'altitude, la marche d'approche fut intense, a crapahuter dans cette foret en collocation serrée avec des irruption karstiques aux formes organiques impressionnantes. Désormais c'est comme si la solitude me tenait compagnie et qu'est ce qu'on se marre, elle se personnifie souvent dans mes pensées pour me rappeler que l'auto dérision est un super pouvoir. Moi qui souhaite apprendre de nouvelles langues, ici c'est le silence dont je suis l'enseignement, un talent bien utile a priori, pour laisser parler les gens, car dans le vrai silence notre posture d' écoute est totale… Le lendemain matin, nuit salvatrice, récupération totale et fort heureusement car ce qui m'attendait en terme d'engagement physique était plus de l'ordre de la via ferrata et de l'escale non cordée que de la randonnée en foret. Me voila désormais dans le dédale de la réserve naturelle de Bijete samaske Stilene, un labyrinthe de bois et de rochers gigantesques, tantôt semblables a des termitières colossales ou des cathédrales minérales ou Dalhi aurait pu se retirer, le balisage est quasi invisible, il n' y a aucun sentier, c'est une belle aventure, a plusieurs reprises je me suis retrouve perche au pinacle de ces rochers surgissant de terre, battu par le puissant vent croate la Bura et me rendant compte que j'avais suivi un itinéraire inexistant, escalader avec un sac de 16kg et des chaussures alpines c'est déjà un bel effort physique, mais alors redescendre c'est très technique et cela demande pas mal de sang froid, j'ai même failli faire demi tour sur mes 50km déjà parcourus pensant que l’itinéraire était trop dangereux en solo. Que de sueurs froides, que de self control, j'ai affronte la peur dans ce bastion sauvage…

*A Sinj, sur la cote adriatique, en Croatie, après m’être réveillé a l'aurore pour éviter de croiser les ouvriers travaillant sur la carcasse de maison que j'ai occupe pour la nuit, pour éviter de m'envoler face aux rafales monstrueuses de la Bura, la descente est spectaculaire, tout d'abord un soleil orange incandescent qui réveille quelques îles endormies telles des sauropodes cyclopéens exposant leur épine dorsale a la surface d'un miroir liquide, l'adriatique toute agitée par des bourrasques incessantes qui offre un va et vient constant d'ombre et de lumière, un dégradé de bleu vivant venant lécher les pieds de pierre du massif des Velebit. Ce même massif de montagne qui jusqu’à 9h35 a bloque la lumière du soleil sur sa face Ouest, puis soudain tout s'est illumine, la garrigue méditerranéenne a offert ses plus belles couleurs; le thym, les sauges, les herbes aromatiques sous la force combinée du vent et du soleil ont libéré leurs effluves dans le dernier souffle de la rosée matinale. Quelle ivresse phénoménale et puis ce vent puissant m'obligeant a agripper solidement a mes deux bâtons de marche, me lave et infuse les parfums de la garrigues ; je peux m'avancer tout souriant vers cette petite cite croate tout en essayant de voler a l'horizon les photos de ses plus belles expressions [… ].

O4V





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