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Photo du rédacteurO4V

Traversons le Massif central

J'ai pris la route, les chemins, les sentiers, les pistes, le bitume et le vent me pousse, me bouscule et parfois ralenti mes pas. Depuis le pas de la porte de chez ma mère un 29 juillet 2021 à 11h je suis parti. Les départs sont toujours étranges, ils sont comme ce dernier filet de poussière qui s'échappe lorsque l'on finit puis referme un roman. Alors j'ai marché, marché, parfois trotté, mon souffle s'est peu à peu accéléré, j'ai soufflé, soufflé jusqu'à ce que le flux de mes pensées s'atténue par l'appel de la faim. Depuis le village du Monastère (Rodez) j'ai tracé vers les plateaux calcaire du Causses de Gages Montrozier, c'était touchant, j'y ai vécu de belle années, fréquenté l'école, partagé des après-midi ensoleillées avec les copains, joué au foot sur le stade après le self, le pouvoir des souvenirs d'enfance peut nous bercer lorsque nous sommes adulte.

j'ai marché, marché vers le Nord Aveyron pour mettre les pieds sur le mythique sentier du chemin de Compostelle. Des chemins escarpés qui décrochent de la luxuriante vallée d'Olt à travers des bois denses et abreuvés de sources, des hameaux de pierre supportant le poids du temps, des bocages où chaque haies chantent festivité et ces forêts qui hument fort l'effervescence de la vie. Schistes, granit, basalte, grès, calcaire, tout y passe sous mes pieds qui s'activent sur ce sentier chargé d'histoire, qui jadis était l'autoroute piétonne du peuple.

Depuis Saint-Chély d'Aubrac j'ai gravi les derniers kilomètres pour enfin atteinte l'imposant plateau d'Aubrac, une voie royale du massif central, la silhouette forte de l'Aveyron montagnard. La pluie, le vent, la brume mais heureusement du réconfort à n'être pas seul à affronter ces éléments. Des "bonjour" du matin au soir et plus qu'il n'en faut car je remontais évidemment le sentier à contre sens. L'humidité ambiante suffisait parfois à étancher ma soif mais comment ne pas résister à s'abreuver directement aux sources jaillissantes de ce massif millénaire. Enfin je retrouve l'authentique village d'Aubrac et sa célèbre domerie, ses auberges où le ventre s'en sort souvent la peau bien tendue. Mais à ce moment il pleut averses et je peine à imaginer la nuit sous la tente sur ce plateau à plus de 1000 mètres battu par un vent glacial. En me dirigeant vers la fière église Notre dame des pauvres je découvre avec joie un abris destiné au marcheur voyageant le porte feuille léger. Quel réconfort, la nuit fut bien réparatrice et puis évidemment au sec. Ce haut plateau est d'une beauté si singulière, autrefois pourtant diabolique pour les pèlerins qui le traversaient, il offre un contraste saisissant grâce à une lumière rasante et immaculée. Le passé volcanique y a laissé des trainées de pierres, les scories, qui tapissent des immenses pâtures de graminées parées d'or, des tapis de fleurs éblouissent par leurs palettes multicolores, les authentiques vaches Aubrac au regard bardée de fard, leur instinct maternel couvant avec douceur les veaux de l'année, des burons ci et là qui semblent taillés à même la roche mère et des marécages où résonne la vie sauvage. Il en faudrait de la volonté pour ne pas s'émerveiller devant cette nature façonnée par des millions d'années puis aussi par l'homme.

L' Aubrac s'étale sur plusieurs départements, c'est ainsi que suivant mon itinéraire j'ai continué vers la Lozère et ces immenses forêts de résineux qui couvrent un paysage particulièrement vallonée. Mais aussi des sentiers autoroutiers où le bruit des engins arracheurs d'arbre créait une ambiance lugubre. Ce sentiment amer je l'ai ressenti dans la pénombre des ces bois en deuil. L'imagination m'a laissé entrevoir des paires d'yeux brillants, des meutes à l'affût tapis dans le noir de ces pins immenses, des hordes de loups rodant sur mes pas. Le Gévaudan c'est ici, ses légendes glaçantes et ses étendues forestières, ses grandes plaines affleurant de rocaille.

Les Cévennes s'offrent peu à peu à moi dans l'horizon, un soir en campant face à ces promesses de marches merveilleuses, un jeune homme vient m'accoster pour me parler d'un jeune chevreuil qui occupe le bosquet tout proche de mon lieu de bivouac, une bien belle rencontre, soudaine, vrai et si délicate. C'est alors qu'une heure plus tard durant mon repas du soir je découvre ce jeune daguet qui s'avance vers moi, le regard plein de défi et de crainte aussi, il s'avance avec grâce, il est à près de 35 mètres de moi et je peux presque sentir son cœur battre… Mais il décide de se retourner pour retrouver ses haies en contrebas tout en aboyant sa déception et son agacement lié à ma présence. T'inquiètes pas mon beau demain à la première heure je pars pour les étendues cévenoles. Un instant de pur plaisir, le privilège de ce mode de vie que je commence à aborder le cœur chargé de rêves d'enfant.

Le lendemain direction Mende, le fief d'un pape charismatique, Urbain V, qui a d'ailleurs donné son nom au chemin que je vais désormais suivre jusqu'aux portes de la Provence au pont du Gard.

Forestière, verdoyante, pluvieuse, escarpée, rurale, paysanne voilà comment résumer cette traversé de l'Ouest de la Lozère vers les titanesques Cévennes.

Mon quotidien prend peu à peu son rythme, je marche aisément plus de 35 km par jour, je prends de longues pauses pour me restaurer, prendre des photos et également pour la cueillette sauvage. La Lozère est un coin à champignon et ce n'est pas un secret bien gardé puisque j'aurais pu y manger des girolles à tout les repas…

Mais aussi des framboises à foison et multitudes de plantes pour compléter mes rations quotidiennes de semoule. Au sortir de Mende, après un réapprovisionnement impératif et un détour vers son immense cathédrale, j'ai continué mon ascension par le chemin de croix, un parcours symbolique qui menait les ermites vers un ermitage sur la colline tout en supportant le poids considérable d'une croix en bois. Le poids du sac à dos désormais bien rempli m'a suffit à me faire une petite idée… Mais arrivé en haut la récompense est immense, une forêt digne d'un conte de fée, des cohabitations entre feuilles et aiguilles, des colonies de champignons de toutes sortes, une odeur d'humus que je voudrais comme eau de toilette chaque matin et des points de vue plongeant vers la ville de Mende et sa cathédrale vertigineuse. Les kilomètres se succèdent et je me dis tout bas qu'Urbain V devait avoir de la cuisse tant cette partie du massif central me réserve des journées avec plus de 1000 mètres de dénivelés. Je découvre de nombreux villages pittoresques qui ne semblent pas encore trop résidence secondaire, des boulangeries traditionnelles et l'odeur du bon pain flotte dans l'air, le paysage sent bon la paysannerie consciente.

Et enfin un beau matin je franchis les portes du parc naturel des Cévennes, le temps est à la pluie, le ciel est cotonneux et la brume s'agrippe à la cime des plus grands pins sylvestres. Le sentier est balisé de menhirs, témoins d'un lointain passé où nos ancêtre vivaient en étroite cohésion avec cet environnement naturel.

Cévennes sont immenses, à de longues ascensions en foret humide se succèdent des panoramas à couper le souffle où il semblerait que nous sommes coupé du monde des hommes. Des vallées profondes, des ruisseaux sifflant dans chaque recoins, des vestiges de pierre par centaines, des hameaux chargés de l'histoire protestante, les maquisards, ces paysans courageux qui ont fait face à l'une des plus grandes armées pour défendre leur spiritualité et surtout leurs valeurs, des fermes ancestrales qui ont chacune leur odeur si particulière, l'odeur des produits fermiers sincères, des prairies chargées de mille fleurs… Une beauté sur tout les points et les hommes qui habitent cette immense contrées de massifs recouvert de forêt sont encore pour beaucoup des cultivateurs de l'authenticité. J'aurai tellement à dire de ce lieu enchanteur, j'y ai emprunté à plusieurs reprise le célèbre chemin de Stevenson où de nombreux marcheurs peu entraînés finissent par abandonner pour aller se réconforter dans l'un des douillés gîtes de la région. J'y ai rencontré un couple adorable, producteur d'agneau BMC (blanche du massif central), proposant un camping à la ferme accessible, détenteur de 2 licences de taxi pour rapatrier les marcheurs "du dimanche", proposant un Food truck en circuit ultra court et s'occupant de leurs 2 enfants dans des conditions qui me semblent exceptionnelles.

arrivé dans le Gard, les Cévennes prennent des airs de Provence, le vent méditerranéen vient rabattre les odeur de résines de pin, l'air est quasi iodé, profusion de fruits, la garrigue fait son apparition, l'ambiance plus farniente et la rivière est un haut lieu de détente. J'ai pu prendre de nombreux bains relaxants dans le gardon, camper sur ses plages et rêver à la suite de mon aventure devant des crépuscule rosée tachetés de nuages. Il y a également ici plus de monde, plus de touristes, de maison secondaires, des Mas plus précisément, on sent que la Provence n'est pas bien loin, les terrasses qui structurent les pentes dans les vallées abruptes permettent la culture d'oliviers et de nombreux fruitiers, les herbes embaument le nez ainsi que mes plats quotidien, je mange des mûres toute la journée, des pommes, des framboises et j'attends avec impatience les figues à maturité. Jusqu'à présent tout est merveilleux, je me sens tellement à ma place, mes lieux de bivouacs sont chaque soir toujours plus exceptionnels et je croise les sourires de marcheurs épanouis.


Je n'attends que vous pour partager un bout de route, la Provence qui bientôt s'offre à moi est bien moins vallonnée alors n'hésitez pas, si vous voulez décrocher quelques jours et goûter à la liberté de la marche pour garder l'esprit libre.



O4V

Je pars

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